Contexte et objectifs de la commission
La Commission d’enquête, présidée par Mme Laure Miller, a été créée pour examiner les défaillances des politiques publiques de protection de l’enfance en France. Son objectif principal était d’identifier les failles systémiques, d’évaluer l’efficacité des dispositifs existants et de formuler des recommandations pour améliorer la protection des mineurs en danger.
vidéo : qu'est-ce que l'ASE ?
Constats principaux
- Insuffisance des moyens humains et financiers : Les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) souffrent d’un manque chronique de personnel qualifié et de ressources financières, compromettant la qualité de la prise en charge des enfants.
- Inégalités territorialesDes disparités significatives existent entre les départements, tant en termes de moyens que de pratiques, entraînant une protection inégale des enfants selon leur lieu de résidence.
- Défauts de coordination entre acteurs : La collaboration entre les différents intervenants (ASE, justice, éducation nationale, santé) est souvent défaillante, entraînant des ruptures dans le parcours des enfants et des décisions inadaptées.
- Manque de formation des professionnels : Les acteurs de la protection de l’enfance manquent de formation spécifique, notamment sur les traumatismes infantiles et les besoins particuliers des enfants placés.
- Défaillances dans le suivi des enfants placés : Le suivi des enfants après leur placement est souvent insuffisant, avec des lacunes dans l’accompagnement éducatif, psychologique et social.
Chiffres clés de la protection de l’enfance en France
🔸Enfants concernés
375 000 mineurs sont suivis au titre de la protection de l’enfance en 2022.
Parmi eux, environ 55 % vivent encore dans leur famille, avec un accompagnement éducatif à domicile.
Environ 170 000 enfants sont placés en dehors du domicile familial (foyers, familles d’accueil).
🔸 Inégalités territoriales
Le budget par enfant varie fortement : de 4 000 € à 60 000 € par an selon les départements.
Certains départements disposent d’1 travailleur social pour 40 enfants, d’autres en ont 1 pour plus de 100.
🔸 Défaillances de suivi
1 jeune majeur sur 4 sorti de l’ASE se retrouve sans emploi, ni formation, ni logement dans les 6 mois suivant ses 18 ans.
Plus de 40 % des jeunes sortants de l’ASE déclarent ne pas avoir été préparés à leur autonomie.
🔸 Ressources humaines
Il manque environ 8 000 professionnels dans le secteur pour répondre aux besoins réels (éducateurs, psychologues, référents sociaux).
Le taux de rotation du personnel dans les établissements dépasse parfois les 30 % par an, entraînant une instabilité grave pour les enfants.
🔸 Signalements
Plus de 150 000 signalements d’enfants en danger sont recensés chaque année.
Environ 1 signalement sur 2 donne lieu à une mesure de protection effective.
Exemples de manquements identifiés
- Défaut de placement en urgence : Dans un département rural, un signalement pour maltraitance grave n’a pas entraîné de placement immédiat faute de place en structure d’accueil. L’enfant est resté plusieurs semaines dans un environnement dangereux.
- Placements multiples sans stabilité : Un adolescent a connu 12 placements différents en 3 ans, changeant constamment de famille d’accueil ou de foyer. Résultat : déscolarisation, troubles psychiques non pris en charge, tentatives de fugue.
- Mineurs isolés étrangers sans accompagnement adapté : Des jeunes étrangers arrivés sans famille se retrouvent livrés à eux-mêmes à leur majorité, sans logement ni projet professionnel, faute d’un accompagnement structuré au sortir de l’ASE.
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Recommandations clés
- Renforcement des moyens alloués à la protection de l’enfance : Augmenter les budgets dédiés à l’ASE pour permettre un recrutement suffisant de professionnels qualifiés et assurer des conditions de travail décentes.
- Harmonisation des pratiques entre départements : Élaborer un référentiel national de bonnes pratiques pour réduire les inégalités territoriales et garantir une protection équitable des enfants sur l’ensemble du territoire.
- Amélioration de la coordination interinstitutionnelle : Mettre en place des protocoles de collaboration entre les différents acteurs de la protection de l’enfance pour assurer une prise en charge cohérente et continue des enfants.
- Formation continue des professionnels : Instaurer des programmes de formation réguliers pour les intervenants de la protection de l’enfance, axés sur les besoins spécifiques des enfants et les approches thérapeutiques adaptées.
- Suivi renforcé des enfants placés : Mettre en œuvre des dispositifs de suivi individualisé pour chaque enfant placé, incluant un accompagnement éducatif, psychologique et social jusqu’à leur autonomie.
🔹 Exemples de bonnes pratiques recommandées
Création d’équipes mobiles spécialisées : Exemple du département de la Meurthe-et-Moselle, qui a mis en place une équipe mobile pluridisciplinaire pour intervenir rapidement sur le terrain dès un signalement, avec éducateurs, psychologues et assistantes sociales.
Parcours personnalisé pour chaque enfant : Dans certains départements, chaque enfant placé bénéficie désormais d’un projet personnalisé de prise en charge (PPP) avec référent unique, garantissant un suivi cohérent entre ASE, école, santé et justice.
Appui au passage à l’âge adulte : L’expérimentation menée en Ille-et-Vilaine propose un dispositif de « parrainage » : un adulte volontaire accompagne un jeune jusqu’à 21 ans pour l’aider dans son autonomie (logement, emploi, budget).
Conclusion
Le rapport souligne l’urgence de réformer en profondeur le système de protection de l’enfance en France. Il appelle à une mobilisation collective des pouvoirs publics, des institutions et de la société civile pour garantir à chaque enfant une protection effective et adaptée à ses besoins.
Lire le rapport en entier : RAPPORT